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dans notre corps pour que nous puissions en faire usage ; mais ce qui s’y trouve décide l’usage que nous en faisons. » On a ici une application audacieuse de la doctrine du hasard à celui des ouvrages de la nature qui l’exclut le plus évidemment, à un de ces organismes, incroyables de complication et merveilleux d’unité qui, comme le dit Leibniz, sont machines jusque dans l’infiniment petit de leurs détails. Cette doctrine indignait Cicéron qui la déclarait honteuse pour un philosophe (quid turpius philosopho ?) ; et il semble qu’aujourd’hui en présence des progrès de la science et des merveilles d’appropriation qu’elle découvre chaque jour dans les êtres vivants, elle ne puisse plus être prise au sérieux par personne. Et cependant, est-elle bannie de l’esprit de tous les naturalistes ? et le parti pris de plusieurs d’entre eux contre les causes finales est-il autre chose qu’une disposition à grossir la part de l’accidentel, du fortuit dans la nature, au préjudice de celle de Dieu ? Quand je rencontre dans un livre d’histoire naturelle cette assertion singulière : « l’oiseau vole parce qu’il a des ailes, mais aucun vrai naturaliste ne dira qu’il a des ailes pour voler »[1], je me demande

  1. M. Janet dit là-dessus avec beaucoup de raison et d’esprit : « En quoi ces deux propositions : l’oiseau a des ailes pour voler, l’oiseau vole parce qu’il a des ailes, sont-elles contradictoires ? En supposant que l’oiseau ait des ailes pour voler, ne faut-il pas que le vol résulte de la structure de ailes ? De ce que le vol est un