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son rang et sa valeur, si le magnifique spectacle de l’univers continuera d’être pour nous ce qu’il a toujours été pour l’humanité, un signe de Dieu et une perspective ouverte sur l’infini. Il n’aurait plus ce caractère si en présence des plus savantes merveilles de la vie et de l’organisation, l’esprit du philosophe avait le droit et le devoir de rester incertain sur la signification de ce langage de la nature, et si nous devions conclure, au nom des progrès de la science moderne, qu’un tel ouvrage peut aussi bien s’expliquer par un concours de forces aveugles que par l’action d’une cause intelligente. À ce point de vue, il y a sans doute quelque intérêt et quelque utilité à suivre les tentatives faites à diverses époques pour rendre compte de l’état actuel du monde par des théories d’où l’idée des causes finales et l’intervention d’un pouvoir surnaturel fussent soigneusement bannies.


La première attaque dirigée avec réflexion contre les causes finales au nom de la science de la nature partit de l’Épicuréisme. « Ne t’imagine pas », dit Lucrèce, « que nos yeux si clairvoyants nous ont été donnés pour voir autour de nous, que nos jambes se terminent en pieds flexibles afin que nous puissions marcher à grands pas devant nous, que des bras vigoureux, que des mains opposées et adroites nous ont été données pour nous servir aux usages de la vie ; tout ce qu’on interprète ainsi, on l’interprète à contre sens ; rien n’est