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Sur un débris de terre informe, horrible et nu,
Dans les déserts muets d’un espace inconnu,
Sans lumière, sans ciel, sans astres sur ma tête,
Ignorant le destin que ta bonté m’apprête,
Et ne sachant non plus comment te définir,
J’inventerais, Seigneur, ton nom pour le bénir !
Ma pensée et mon cœur me prêteraient leurs ailes ;
M’apprendraient le chemin des sphères éternelles,
Et, frémissant d’espoir, par l’amour emporté,
J’irais te découvrir dans ton éternité ! »
Elle dit et déjà sa parole me gagne.
« Ami, s’écrie alors sa sévère compagne,
Garde-toi de céder à ton entraînement !
Cette femme te trompe, elle ment, elle ment !
Tremble de savourer plus longtemps cette ivresse !
Si tu ne m’obéis, c’est fait de ta jeunesse.
Mais qu’espères-tu donc ? Que crois-tu devenir ?
Sa main va d’un seul coup briser ton avenir ! »
Mais elle, d’une voix que je ne saurais rendre ;
« — Est-ce mentir, hélas ! que de vouloir t’apprendre
L’amour vrai, l’amour pur et désintéressé ?
Crois-moi, suis mes conseils, viens ! — « Arrête, insensé ! »
A repris vivement la muse des sciences,
« Mes avis sont fondés sur mille expériences.
Je le répète encor cette femme a menti.
De ses tristes conseils qui ne s’est repenti !
Ah ! que d’infortunés séduits, trompés par elle,
Ont maudit en mourant la sirène cruelle