Page:Mémoires de l’Académie de Stanislas, 1864.djvu/292

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 164 —

que ce lui est l’unique moyen d’échapper à l’affirmation, à la certitude objective, au flagrant désaveu de son doute, ou de redevenir hautement et avec réflexion ce qu’il est sans le savoir et sans le vouloir, un dogmatiste.

Poursuis donc, ô mon cher Philalèthe, la recherche du vrai sans te laisser inquiéter par les bourdonnements des sceptiques. Garde-toi sans doute de leur prêter des armes en affirmant témérairement là où il est sage de suspendre son jugement. Ne conçois pas l’espérance ambitieuse de ne jamais te tromper et de résoudre par les seules forces de ta raison toutes les questions qu’elle pose. De même que tu acceptes les conditions ici-bas laborieuses de la vie morale, accepte aussi celles de la vie intellectuelle. Résigne-toi à ne savoir le tout de rien, à ne conquérir qu’avec effort les vérités accessibles à la raison, et à te servir, quand celle-ci te fera défaut, de cette lumière supérieure que Platon et moi avons si souvent invoquée et que vous possédez aujourd’hui. Mais ne perds jamais ta foi philosophique à la raison, et ne la crois pas impuissante à démontrer les grands dogmes qui sont comme la base humaine de ta foi religieuse. Ne laisse pas ébranler ton assentiment aux vérités qui te sont données par l’orgueilleux dépit de n’en pas posséder davantage. Préserve-toi, préserve tes amis, si tu le peux, de l’indifférence entre le vrai et le faux, comme de l’indifférence