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naisse autrement qu’avec son esprit organisé d’une certaine façon, et comme connaître avec son esprit c’est connaître subjectivement, tout esprit quel qu’il soit, humain, angélique ou autre, est nécessairement enfermé dans le subjectif.

Kant assurément se flatte lorsqu’il dit que cela est démontré ; mais enfin il le dit, et tu vois bien qu’en le disant il sort du subjectif dans le moment même où il nous y enferme ; il fait de son scepticisme une loi qui vaut universellement ; il accorde à son doute, qui n’est qu’un rêve de son esprit, la valeur objective qu’il refuse aux éternelles et solides vérités de la raison. Et ne crois pas que cette inconséquence fût évitable. Par un chemin ou par un autre, tous les sceptiques viennent y aboutir. Quiconque pense affirme, et quiconque affirme croit à l’objectif. Toute la différence, c’est que l’objectif où s’arrête le sceptique est proprement l’absurde, tandis que celui où nous nous arrêtons est la vérité.

Tu comprends maintenant, mon cher Philalèthe, comment on peut en finir avec le scepticisme. Après avoir doucement ramené dans la route royale de la raison et de la certitude le sceptique qui croit encore au devoir et veut y croire toujours, il faut écouter le sceptique à outrance qui pense être invincible parce qu’il se flatte d’être complet. Dès la seconde phrase, il avouera qu’il n’est ni l’un ni l’autre ; et nous lui donnons le choix ou de se taire et de ne plus penser, puis-