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Philalèthe.

Tu as parfaitement saisi sa pensée.

Socrate.

Je veux la préciser encore. Je doute, dit-il en dernière analyse, parce que c’est avec mon esprit que je vois la vérité. Et avec quoi donc veut-il que je la voie ? avec celui de son voisin ? ou avec celui d’un citoyen de la lune ? Mais enfin, admets pour un instant qu’il y ait là une raison sérieuse de douter, et vois où cela va. Tu doutes, toi qui es, comme tu dis, dans la caverne de Platon, parce que c’est avec ton esprit que tu y saisis une vérité incomplète et mêlée d’ombres. Et moi, dans le séjour de la lumière, n’est-ce pas avec mon esprit aussi, et avec mon esprit fait d’une certaine manière, que je vois la vérité plus complète et plus rayonnante ? Si Kant a raison, je douterai donc comme toi en face même des splendeurs que je contemple. Et Dieu, avec quoi voit-il d’un regard la vérité totale ? encore avec son esprit ; si Kant a raison, il doutera donc comme nous. Cela certes est ridicule et blasphématoire. Mais ne faut-il pas aller jusqu’à cette extrémité, si l’on consent, même pour un instant, à suivre notre critique ? Comprends bien ce que je veux dire, c’est qu’on ne peut faire aucune hypothèse, imaginer aucune situation