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épeler quelques pages d’expérience… Mais, Socrate, je te vois sourire. Est-ce que le trouble où me jette ce redoutable scepticisme te paraît chose plaisante ? ou croirais-tu qu’il faille renoncer de bonne grâce à jamais atteindre les vérités qu’il nous importe le plus de connaître ?

Socrate.

À Dieu ne plaise, ô mon cher Philalèthe ! Tu as mille fois raison de tenir passionnément à la vérité, et de penser que si cette faculté supérieure, fort bien décrite et fort mal traitée par Kant, ne nous servait pas à atteindre Dieu, elle ne serait en nous que pour nous tourmenter, et ne vaudrait pas qu’on y tint si fort, ni qu’on fût si fier d’être homme. Reste Philalèthe, c’est-à-dire ami de la vérité ; et reste persuadé qu’on n’est Philalèthe et philosophe, c’est-à-dire ami de la sagesse, qu’à condition d’être Théophile, c’est-à-dire ami de Dieu. Car la vérité, c’est Dieu ; la sagesse dans sa source et son type suprême, c’est Dieu encore ; et c’est une belle pensée, platonicienne et chrétienne, de saint Augustin que « philosopher, c’est aimer Dieu ; » philosophari nihil aliud est quam amare Deum. Je souriais de plaisir à te voir t’échauffer dans le bon sens ; je me disais que, quand on aime ainsi la vérité, on ne court pas risque de la perdre pour un soupçon et pour un caprice ; et maintenant que je vois clair au fond du nouveau scep-