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produire en moi l’équilibre du pour et du contre. Enfin, sa critique des preuves de l’existence de Dieu ne me paraît nullement décisive, et je crois qu’il s’est fait la partie trop belle en négligeant, pour s’attaquer à un argument tout abstrait et scolastique, la grande preuve platonicienne et cartésienne qui prend pour majeure le principe de causalité, pour mineure réelle et concrète l’idée de l’infini et du parfait présente à la conscience, et qui conclut de là la réalité de l’être infini et parfait, cause et modèle de cette idée. Mais que dire à un homme qui, après avoir analysé les principes et les concepts de la raison, et après nous les avoir montrés comme des lois internes et subjectives de notre activité, nous met au défi de prouver qu’ils sont autre chose, qu’ils ont une valeur objective et que nous pouvons nous en servir pour atteindre, par de là les phénomènes, la réalité suprême qui, suivant l’expression d’Aristote, exerce sur notre pensée l’attraction de l’intelligible et du désirable ? Et si notre raison ne peut nous servir à connaître Dieu, je vois bien qu’elle ne nous servira pas non plus à connaître notre destinée et notre devoir ; et je me prends à accuser la nature de m’avoir infligé cette organisation privilégiée qui me condamne au supplice de Tantale. Car, en vérité, je ne trouve pas que ce soit offrir une compensation suffisante aux misères d’une âme toujours attirée vers la vérité absolue et toujours impuissante à la saisir, que de lui dire : sers-toi de la raison pour