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que cet objet est réel. — Elle le conçoit, il est vrai, d’une certaine façon, par exemple, comme infini et absolu ; mais cela ne veut pas dire qu’en soi cet objet existe de cette façon là, ni même qu’il existe d’aucune manière ; cela veut dire seulement que nous sommes organisés intellectuellement de manière à le concevoir ainsi, que notre esprit a en lui-même la forme de l’infini et de l’absolu ; et cela ne saurait nous empêcher de supposer comme possible une organisation intellectuelle toute différente, munie de lois et de formes qui lui feraient concevoir les choses d’une façon entièrement opposée. Nous ne sortons donc pas de nous-mêmes alors que nous nous élançons vers l’absolu, et quand nous croyons faire de la métaphysique, nous ne faisons encore que de la psychologie.

De là il suit que toute assertion qui dépasse le domaine de l’expérience et la sphère des phénomènes est non point fausse, ce qui donnerait du moins à l’assertion contraire le caractère de la vérité et de la certitude objective, mais purement problématique. Quand nous entreprenons de l’établir sur un raisonnement, aussitôt survient un raisonnement opposé d’une valeur égale ayant pour effet de neutraliser le premier ; et de cette antinomie, comme il l’appelle, résulte le parfait équilibre du pour et du contre. En somme, nous pouvons concevoir l’activité de l’esprit comme s’exerçant dans deux mondes, le monde sensible et le monde