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pour nous les donner ; si elle ne le peut — et elle ne le peut, — nous nous adresserons ailleurs. Il me semble qu’entre les sensualistes et nous, les choses se passent à peu près de la façon que voici : J’ai de l’argent dans ma poche et je vous le montre ; vous me dites que je n’en ai pas parce que Paul ne me l’a pas donné. Voilà sans doute une démonstration triomphante. Ai-je prétendu que je le tenais de Paul ? C’est vous qui dites cela ; c’est donc à vous d’expliquer comment c’est de lui qu’il me vient ; car l’argent est là, et si vous êtes sûr qu’il ne vient pas de Paul, c’est qu’il vient d’ailleurs. Il suffit donc, pour avoir raison du sensualisme, de rétablir l’existence et les véritables caractères des idées qu’il nie ou défigure. Nous n’avons point cela à faire avec Kant, car il l’a fait lui-même. Mais voici d’où part son attaque ; et ici je te prie, car la matière est difficile, de m’écouter avec une attention redoublée, et de me dire ensuite si nous devons rendre les armes au scepticisme, ou si nous pouvons continuer de philosopher sur un terrain raffermi.

Jusqu’ici je ne t’ai montré que le côté psychologique de la doctrine de Kant, et tu as pu comprendre ce qu’il entend par raison pure : c’est la raison considérée comme nous donnant des idées et des principes dans lesquels l’expérience n’intervient nullement à titre d’élément constitutif. Que l’expérience fournisse à notre esprit les phénomènes sensibles à l’occasion desquels le