Page:Mémoires de l’Académie de Stanislas, 1864.djvu/272

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 144 —

pas seulement comme de principes pour descendre dans leurs conséquences, mais aussi comme de points d’appui, comme de bases d’élan pour nous élever jusqu’au principe des principes, jusqu’à la réalité souveraine qui ne repose que sur elle-même. Ce que Platon appelle ἀνυποθέτον τί, ce que Kant nomme l’absolu et l’inconditionnel, n’est-ce pas la même chose ? Et que peut-on faire de plus pour la raison attaquée par les sophistes que de la rétablir dans sa double fonction d’éclairer l’expérience et de la dépasser ?

Philalèthe.

Tu as raison, Socrate ; et peu s’en faut que je n’éprouve moi-même, en terminant cette première moitié de mon exposition, le même sentiment que toi. Mais prends-y garde ; si quelque attaque contre la raison partait d’un homme qui la connaît si bien, elle serait nécessairement très-sérieuse, et n’aurait rien de commun avec les misérables querelles du sensualisme. Qu’un disciple d’Épicure me conteste l’idée de Dieu et l’idée du devoir, parce que l’expérience à laquelle il rapporte toutes les notions de notre esprit n’atteint pas jusque là, ce beau raisonnement ne me fait pas bien peur. Je lui réponds que j’ai l’idée de Dieu et que j’ai l’idée du devoir, et lui aussi, pour peu qu’il y prenne garde. Que l’expérience s’arrange comme elle voudra