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au scepticisme du premier, ne se servent du premier pour fermer leur esprit aux croyances que le second veut rétablir. Et en cela, vraiment, je ne puis dire qu’ils aient tort, car c’est bien dans le premier, dans la Critique de la raison pure, qu’est la vraie doctrine du maître ; la Critique de la raison pratique n’est qu’une faible et insuffisante restriction ; ce n’est qu’un pauvre petit esquif sur lequel il essaie de se sauver après avoir volontairement coulé son grand navire. Et ce qu’il y a de plus fâcheux, c’est qu’il persuade à un grand nombre de submerger, comme lui, leur vaisseau, et à bien peu de garder, comme lui, leur chaloupe.

Socrate.

Tu me décris là, en effet, mon ami, un grand péril de la philosophie et de la raison, plus grand que celui dont j’ai eu, en mon temps, le bonheur de les sauver. Mais avant de noyer nos vaisseaux, comme le Teuton nous le conseille, ne ferons-nous pas bien d’examiner ensemble ce qu’il leur reproche, et de juger par nous-mêmes s’ils sont aussi incapables qu’il le dit de tenir la mer et de nous conduire au port. Je te prie donc, puisque tu viens d’achever — non sans peine, comme il paraît, — l’étude de son système, de m’en donner une analyse exacte, afin que nous en puissions apprécier la valeur.