Page:Mémoires de l’Académie de Stanislas, 1864.djvu/262

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 134 —

Philalète.

Je te remercie, mon cher Socrate ; mais je dois t’avertir que l’entreprise, même tentée avec toi, est des plus malaisées. Protogoras, Gorgias, Hippias, et tous les autres que tu as bernés d’une si belle manière, n’étaient que des enfants à côté des modernes ennemis de la raison. Et puis, ils étaient proprement des sophistes, des gens de mauvaise foi, abusant de l’ambiguité des termes et de l’inexpérience des jeunes athéniens, des gens, par conséquent, dont on était plus qu’à demi débarrassé lorsqu’on les avait démasqués. Que cette espèce soit aujourd’hui perdue, je n’oserais pas en répondre ; mais ce que je puis t’assurer, c’est que mon Teuton n’est pas du nombre. Il n’y a pas d’homme plus sincère ; et, encore que son livre (du moins en ce qui concerne l’existence de Dieu), conclue en faveur du scepticisme le plus absolu, il n’y a pas d’homme qui croie en Dieu d’une foi plus robuste. Il a même fait un livre qu’il appelle Critique de la raison pratique, tout exprès pour relever les vérités que ruine son premier ouvrage, en quoi il me paraît ressembler à un homme qui, ayant démoli sa maison, rebâtirait, à côté, un autre logis tout semblable. Mais je crains bien que ce ne soit là qu’une honnête inconséquence, et que la plupart des lecteurs, au lieu de prendre le second ouvrage comme antidote