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cette vision était si belle qu’il craignait, en disant un mot, de la faire évanouir.


Socrate prit le premier la parole : « Que faisais-tu là ? lui dit-il. »

« Tu le vois, » répondit Philalèthe, montrant du doigt, non sans quelque confusion, le volume qui avait glissé à ses pieds, « je lisais le plus célèbre ouvrage d’un homme qui, certes, n’est point de ton pays ; c’est un Teuton du nom de Kant, et son ouvrage s’appelle la Critique de la raison pure. Ah ! mon cher Socrate, si tu savais combien de fois, en tâtonnant dans ce labyrinthe, je t’ai invoqué pour me servir d’Ariane ! »

Socrate.

Je t’ai entendu, mon ami, et il m’a été permis de descendre vers toi, non pas pour t’enseigner des vérités nouvelles, mais pour t’aider à retrouver ton chemin, et, si par hasard nous rencontrions quelque sophiste, pour voir si, à nous deux, nous ne pourrions pas le mettre en fuite comme un voleur de nuit, ou le dissiper comme un fantôme. Tu sais que ce fut mon métier, et les hommes de ton temps trouvent encore, me dit-on, que j’y réussissais assez bien.