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méditations solitaires, ou du livre dans lequel il s’était plongé avec une attention acharnée ? — ses yeux s’appesantirent, et il s’assoupit dans son fauteuil.

Il dormait depuis quelques instants, quand son âme — car ses sens étaient fermés — entendit un bruit, et, regardant, vit devant elle Socrate. Elle le reconnut aisément sous son enveloppe transfigurée, et jamais elle n’avait mieux compris ces deux grandes vérités de l’esthétique platonicienne, que le beau est la splendeur du vrai et du bien, et que la beauté du corps (du moins dans la vie véritable où toutes choses doivent être remises à leur place) est le reflet de la beauté de l’âme. Socrate n’avait plus ce masque de Silène dont il fait les honneurs avec tant de bonhomie dans le banquet de Xénophon. La douceur et la force, la finesse de l’esprit et la bonté du cœur, la majesté sereine que donne la mort affrontée pour une grande cause, le rayonnement de la vérité possédée et goûtée dans sa source divine, tout cela éclatait sur son visage remodelé, pour ainsi dire, à l’image de son âme ; c’était encore Socrate, mais un Socrate en qui le réel était devenu idéal, en qui, suivant l’expression de saint Paul, le mortel avait revêtu l’immortalité.

Philalèthe avait beaucoup pensé à Socrate pendant sa laborieuse lecture. Ayant à demi conscience de son sommeil, il crut donc n’avoir devant les yeux qu’une vision appelée dans ses rêves par le souvenir de ses veilles ; et