Page:Mémoires de l’Académie de Stanislas, 1864.djvu/258

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 130 —

merveille d’une doctrine qui rendait les discussions éternelles.

Ce fut au milieu de ce désarroi général que Socrate apparut. Avec un admirable bon sens, avec un sentiment très-juste et très-élevé de ce que peut faire la raison et de ce que doit être la philosophie, il détourna celle-ci des voies hasardeuses où s’étaient perdus ses prédécesseurs, et la fixa dans le monde moral, dans le monde de la pensée et de la liberté, comme dans son véritable domaine. Plus subtil logicien que les sophistes eux-mêmes, il alla les battre chez eux, et rétablit la certitude en réduisant le scepticisme au silence. J’avoue qu’il n’alla pas toujours jusqu’au bout de sa raison et de sa conscience, et qu’on ne peut l’absoudre du reproche d’avoir traité avec les erreurs religieuses et morales de son temps, avec le polythéïsme officiel qui les résumait toutes, plutôt en politique qu’en philosophe et en missionnaire de la vérité. Mais après tout, c’est pour la vérité qu’il est mort, pour l’avoir trop aimée et pour l’avoir trop répandue ; et je ne m’étonne pas que, dans les premiers siècles de l’Église, plusieurs écrivains orthodoxes aient bien auguré de son salut éternel. Qui peut affirmer qu’entre ses dernières paroles entendues par des oreilles mortelles et le moment suprême où son âme se détacha de son corps, cette grande âme ne fut point favorisée de quelque illumination soudaine et n’embrassa point d’un amour plus qu’humain la vérité mieux