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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES

PREMIER PIQUEUR.

C’est monsieur le chevalier qui me crie de tourner l’étang…

SAINT-GEORGES.

Parbleu ! il s’y jetait tout droit… ça lui a fait perdre la tête ! Mais, bah ! nous retrouverons le cerf… ou quelque autre gibier !… Eh ! tenez, je veux vous faire faire connaissance avec la plus jolie cabaretière…

TOUS, se rapprochant.

Une beauté !

LA MORLIÈRE.

Dans cette bicoque ?

SAINT-GEORGES.

Le vin est détestable… Mais l’hôtesse… du nectar !… et un mari jaloux !…

LA MORLIÈRE.

Ce qui la rend mille fois plus jolie !…

SAINT-GEORGES.

Vous allez en juger ! (Criant et frappant sur la table avec son fouet.) Holà ! hé… garçons ! la fille, du bordeaux, du champagne ! ce qu’il y a de mieux ! si vous en avez !

LE BARON, à part.

Quel tapage !… quand ce serait le prince lui-même !… et quelle figure… faut-il que les femmes aient mauvais goût…

LA MORLIÈRE, au chevalier.

Dis-donc, Saint-Georges !… tu ne vois pas ?

SAINT-GEORGES.

Quoi donc ?

LA MORLIÈRE, bas.

Le baron de Tourvel qui se promène, là…

SAINT-GEORGES, riant.

Il pense à sa chute de cheval ! il ronge son frein !

LA MORLIÈRE, bas.

Tu sais qu’il te déteste !

SAINT-GEORGES.

Parbleu, je le lui rends bien.

LA MORLIÈRE.

À cause de la petite Guimard ! depuis qu’il te croit son rival !…

SAINT-GEORGES, riant.

Il voit tout en noir, n’est-ce pas ?

TOUS, riant.

Ah ! ah ! ah ! délicieux !

LE BARON, à part.

Je crois que le faquin s’est permis de rire en me regardant !… (S’approchant d’un air résolu.) Monsieur le chevalier…

SAINT-GEORGES.

C’est vous, baron ! enchanté ! vous ne suivez pas la chasse ? est-ce que le petit accident de ce matin ?…

LE BARON.

Non, non… mais j’aurai deux mots à vous dire.

SAINT-GEORGES.

Sur-le-champ, baron…

LE BARON.

Non, tout-à-l’heure ! (Montrant un garçon qui apporte des bouteilles et des verres.) On vient de vous servir, j’attendrai.

SAINT-GEORGES, saluant.

Comme vous voudrez.

LE BARON, à part.

Choisirai-je l’épée ou le pistolet ?

LA MORLIÈRE, bas à Saint-Georges.

Qu’est-ce qu’il te veut donc ?

SAINT-GEORGES, à mi-voix.

Qui sait ? un coup d’épée, peut-être ! je l’aime trop pour lui refuser ce petit cadeau-là ! (S’adressant au garçon.) Qu’est-ce que tu nous apportes là… toi ? de la piquette !… j’ai demandé du champagne… allons donc, mille diables !…

FANCHETTE, entrant.

Là… là… là… pas tant de bruit, messieurs, nous avons du monde comme il faut… une belle dame qui s’habille là-haut !

SAINT-GEORGES, à part.

C’est la comtesse ! (Haut.) Hé… c’est la petite Fanchette !… le minois le plus fripon ! Messieurs, je vous présente l’Hébé du Raincy… la merveille de ce bois !…

(Ils l’entourent.)
LE BARON, à part.

Le mauvais sujet !… Au fait, elle est gentille, cette petite… il faudra que je lui dise deux mots.

FANCHETTE, se défendant contre les jeunes gens.

Finissez donc…

SAINT-GEORGES.

Comment, tu es farouche… une rosière de l’an passé !

TOUS.

Elle a été rosière.

SAINT-GEORGES.

Dans toute l’acception du mot ! rien n’y manquait !

LA MORLIÈRE, lui prenant la taille.

Oh ! alors…

SAINT-GEORGES, voulant l’embrasser.

Cela nous revient de droit…

FANCHETTE, se défendant.

Eh bien !… a-t-on jamais vu ? ce moricaud !

SAINT-GEORGES.

Ma figure te fait peur ? tu n’aimes pas les bruns ?

FANCHETTE, se défendant toujours.

C’est selon !… mais dites donc. (En riant.) Est-ce que c’est bon teint ?

SAINT-GEORGES.

Tu vas le voir !

(Il l’embrasse, Julien paraît.)


Scène IX.

LES MÊMES, JULIEN, en tablier, en bonnet de coton, et une grande cuillère-à-pot à la main.
JULIEN, sur le pas de sa porte.

Oh ! qu’est-ce que c’est que ça ?

FANCHETTE.

Julien !…

SAINT-GEORGES.

Un bonnet de coton, insigne conjugal !… Ça doit être le mari !

LA MORLIÈRE.

Un mari !… bravo !… ça se complique !

(Ils continuent.)
JULIEN, criant.

Voulez-vous bien finir… vous, là-bas ! dites