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L’INDE AUX COMÉDIES FRANÇAISE ET ITALIENNE EN 1770

Mais de l’insecte à l’homme on peut assez connaître
Que le soin de soi-même est l’instinct de chaque être ;
Les dieux comme immortels, et surtout comme heureux,
A tout être sensible ont inspiré ces vœux :
L’homme, l’homme lui seul, dans la nature entière,
A porté sur lui-même une main meurtrière,
Comme s’il était né sous des dieux malfaisants
Dont il dût à jamais repousser les présents.
Ah ! la secrète voix de ces êtres augustes
Crie au fond de nos cœurs, Soyez bons, soyez justes ;
Mais nous demandent-ils ces cruels abandons,
Ce mépris de nos jours, cet oubli de leurs dons.
Celle haine de soi n’est-elle point coupable ?
Qui se bail trop lui-même aime peu son semblable ;
Et le ciel pourrait-il nous avoir fait la loi
D’aimer tous les humains pour ne haïr que soi ?

On voit quelle est la philosophie du jeune Bramine. Elle ne différait guère, sans doute, de la philosophie de Lemierre. Et Ton peut supposer, avec quelque apparence de vérité, que le jeune Bramine n’ignorait pas certaines pratiques religieuses des Européens.

Le Bramine qu’on a vu à la première scène rentre. La Veuve se soumettra à la règle. Le Grand Bramine est satisfait.

Je n’espérais pas moins ; et je vois sans surprise, ,
Surtout dans ces moments, sa conduite soumise.
Le siège avance, amis ; l’Européen jaloux.
Au métier des combats plus exercé que nous,
Plus habile en elTel, ou plus heureux peut-èlre,
Dans nos remparts forcés est prêt d’entrer en maîlre ;
De la loi des bûchers maintenons la rigueur,
Et qu’après la conquête elle reste en vigueur.

Le jeune Bramine gémit encore. Le Grand Bramine le rappelle au devoir :

Nous naissons pour les maux, n’en sois point abattu ;
Apprends que sans souffrance il n’est point de vertu :
De Brama dans ce temple entends la voix terrible ;
Tu deviens sacrilège, et tu te crois sensible !

Le jeune Bramine aimerait qu’on chargeât un autre du soin