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Noble Ferrare ! ainsi tu vois dégénérer
Ce sang qui si long-temps avait su t’honorer !
Tes enfants pourraient-ils de ces mères infâmes
Recevoir les leçons qui font les belles âmes ?


J’admire, t’ai-je dit, le dessein que tu prends ;
Mais avant que le Ciel ait reçu tes serments,
Pense que pour jamais un fatal nœud t’engage !…
Veux-tu suivre un conseil qui me semble assez sage ?
Quoi ! malgré les égards qu’on doit à l’amitié,
Au seul mot de conseil tu souris de pitié ?
« O l’insensé, dis-tu ! lui, prétendre m’instruire !
» Sur des nœuds qu’il a fuis, que saurait-il me dire ? »
Dis-moi, n’as-tu pas vu quelquefois deux joueurs
Laisser dans leur délire échapper des erreurs
Qui te semblaient, à toi, faciles à connaître ?
Écoutes ; mes avis te serviront, peut-être ;
Et si d’un vain discours ton esprit est blessé,
Alors, je le permets, traite-moi d’insensé !


Si les feux de l’amour étaient la seule cause
De la douce union que ton cœur se propose,
Loin que, pour te blâmer, j’élevasse la voix,
Tu me verrais d’abord applaudir à ton choix.
Celle qui te plairait, à tes yeux serait belle,
Des talents, des vertus, offrirait le modèle,
Et Cicéron, lui-même, aurait en vain tenté
D’arracher à l’erreur ton esprit enchanté.
Mais si, libre des feux d’un amoureux délire,
De ta raison encor tu conserves l’empire,