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RIENZI.

groupaient encore, grisâtres et mélancoliques, autour des ruines.

Les barons de Rome n’auraient pu choisir un fort plus redoutable ; et lorsque Adrien, de son coup d’œil d’homme de guerre, examina cette montée escarpée et ces murailles à pic, il comprit qu’avec des défenseurs d’une habileté ordinaire cette place pourrait défier, pendant des mois entiers, toutes les forces du sénateur romain. En bas, dans le fertile vallon, des chaumières ruinées, des moissons foulées aux pieds des chevaux, témoignaient de l’esprit violent et rapace des barons rebelles ; et en ce moment même on voyait, dans l’antique plaine des belliqueux Herniques, des troupes d’hommes armés, poussant devant eux des troupeaux de gros et de menu bétail, enlevés dans leurs maraudes. Prœneste avait-elle été la retraite favorite des plus volupiueux patriciens de Rome dans son siècle le plus poli, pour voir renaître sous ses yeux l’âge de fer ?

La bannière des Colonna, arborée par la troupe d’Adrien, fut admise sans difficultés à la Porta del Sole. Pendant qu’il remontait les rues irrégulières, étroites, qui menaient à la citadelle, des groupes de mercenaires étrangers, des bandes de femmes dépravées, moitié couvertes de haillons, moitié parées d’un clinquant misérable, mêlées çà et là aux livrées des Colonna, se tenaient sans rien faire au milieu des ruines des temples ou des palais antiques, ou bien elles se chauffaient nonchalamment au soleil, sur des terrasses, où les plantes grimpantes et le gazon n’empêchaient pas de voir briller au travers les couleurs impérissables de ces riches mosaïques, autrefois l’orgueil de cette noblesse lettrée et gracieuse, dont de sauvages maraudeurs étaient aujourd’hui les héritiers !

Le contraste du présent au passé se présenta involontairement à l’esprit d’Adrien lorsqu’il traversa ces lieux ;