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RIENZI.

envahisseur ! Ouvrez vos portes, livrez votre or, car il faut verser son sang ou payer sa rançon ! Malheur à vous, Bourgeois, malheur ! Voyez les conduits par le bras le plus vigoureux et la tête la plus sage, avec sa croix blanche comme neige sur son manteau rouge, avec son œil d’aigle et son port de lion ; son cheval barbe est son trône, et son camp est sa cour. Il est le souverain et fléau du pays, le chevalier royal de la Grande Compagnie. Hourrah ! hourrah ! hourran ! hourrah pour l’armée ! Hourrah pour son chef ! Hourrah pour l’or gagné à la pointe de l’épée ! Hourrah ! hourrah ! hourrah pour les Lances des Francs-Compagnons !

Entonnée vigoureusement en chœur par cette multitude enragée, puis recueillie et répétée à droite et à gauche, de près, de loin, à mesure que les mots bien connus du refrain parvenaient aux oreilles des groupes ou des promeneurs plus éloignés, cette musique farouche et hardie produisait un effet que rien ne peut décrire. Il était impossible de ne point partager le goût que cette vie audacieuse inspirait à ses audacieux partisans, et même l’élégant et noble chevalier qui y prêtait l’oreille se reprocha un frisson involontaire de sympathie et de plaisir.

Il se tourna avec un signe d’impatience et de mécontentement vers son compagnon, qui avait pris part au chœur, et lui dit : « Messire, voilà un chant qui ne peut guère plaire aux oreilles d’un noble Italien, à la vue des misères de sa patrie. Je vous prie, avançons.

— Je vous demande humblement pardon, seigneur, dit le Franc-Compagnon, mais réellement la vie que mènent les Libres Lances, sous Fra Moreale, a tant d’attraits que parfois nous oublions… mais excusez-moi, nous allons nous remettre en marche. »

Quelques instants après, ils franchissaient une étroite enceinte ; le cortège se trouva dans un quartier animé, il est vrai, mais dont l’animation avait un caractère tout