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RIENZI.

que de temps perdu ! et mon Irène adorée… Vite, vite ! Je ne veux plus perdre un moment ! »

Bientôt il se trouva dans la rue ; l’air le raviva. C’est ce matin-là même que s’éleva cette brise bénie, la première qu’on eût ressentie depuis des semaines. Il chemina lentement, faiblement jusqu’à une large place bordée d’arbres ; de là, dans le lointain, on découvrait une des principales portes de Florence, et plus loin les figuiers et les bosquets d’oliviers. Ce fut alors qu’un pèlerin d’une haute stature, venant de cette porte, s’approcha de lui ; son capuchon était jeté en arrière et laissait voir une tête imposante mais triste ; une figure dont les nobles traits, le large front et le regard fier et intrépide étaient assombris par l’expression d’une mélancolie plus austère que douce, où la nature semblait avoir écrit majesté et le destin malheur. Lorsqu’en ce lieu silencieux et désolé, ces deux passants, les seuls de toute la rue, se rencontrèrent, Adrien s’arrêta brusquement et dit d’une voix pleine de surprise et de doute : « Rêverais-je encore, ou est-ce bien Rienzi que je vois ?

Le pèlerin s’arrêta aussi en entendant ce nom, et fixant un long regard sur les traits amaigris du jeune seigneur, « Je suis, dit-il, celui qui fut Rienzi. Et vous, ombre pâle et flétrie, est-ce donc dans ce sépulcre de l’Italie que je rencontre le galant et noble Colonna ? Hélas, mon jeune ami, ajouta-t-il d’un ton plus familier et plein de bienveillance, la peste n’a-t-elle point épargné la fleur de la noblesse romaine ? Viens, moi, le cruel et inflexible tribun, je serai ta garde-malade ; celui qui aurait pu être mon frère a droit de réclamer mes soins comme un frère. »

En disant ces mots, il entoura tendrement Adrien de son bras ; et le jeune noble, touché de sa compassion, non moins que frappé de surprise, s’appuya en silence contre le sein de Rienzi.

« Pauvre jeune homme ! reprit le tribun déchu, j’ai