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des Colonna et des Orsini ; qui rendit les plus fiers patriciens jaloux de suivre cet élan et de toucher seulement la robe de pourpre du fils du plébéien de Florence ; qui tient encore les yeux de l’Europe fixés sur la modeste chaumière de Vaucluse ; qui donne à l’humble étudiant que tu vois, le droit, reconnu de tous, d’admonester les tyrans et d’approcher, avec d’impérieuses prières, jusqu’au père de l’Église ; oui, cette même puissance qui, travaillant en silence d’un bout à l’autre de l’Italie, gronde sous la solide base de l’oligarchie vénitienne[1], qui, au delà des Alpes, s’est éveillée à une vie soudaine et visible en Espagne, en Allemagne, en Flandre, et qui, jusque dans cette île barbare, conquise par le glaive normand, gouvernée par le plus brave des rois vivants[2], a déchaîné un esprit que le Normand est impuissant à soumettre, que les rois ne peuvent gouverner qu’en lui empruntant son aide : eh bien, cette même puissance est partout dans l’univers ; elle parle, elle conquiert par la voix même de celui qui est devant toi ; elle unit dans sa cause tous ceux sur lesquels a descendu seulement la moindre étincelle de lumière, tous ceux chez lesquels peut s’enflammer un généreux désir. Sache bien, seigneur vicaire, que, sauf nos oppresseurs eux-mêmes, il n’y a pas un homme à Rome, pas un homme qui ait appris une syllabe de notre vieille langue, et dont le cœur et l’épée ne soient point avec moi ! Les gens voués à la paisible cul-

  1. Ce fut près de huit ans après que la haine longtemps comprimée du peuple vénitien pour cette oligarchie, la plus sage et la plus vigilante, la Sparte de l’Italie, éclata dans la conspiration sous Marino Faliero.
  2. Édouard III, dans le règne duquel des opinions beaucoup plus libérales que celles du siècle suivant, commencèrent à fermenter. Les guerres civiles replongèrent l’action dans le sang. Il y eut à la vérité dans le monde entier un âge qui poussa d’abondantes fleurs, mais ne donne qu’un fruit cru et mal mûri ; bond singulier, suivi d’une pause aussi singulière.