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RIENZI.

avait un caractère froid et beaucoup d’expérience du monde, était fortement ému par l’énergie de son compagnon, d’autant plus peut-être que sa fierté et ses passions étaient aussi liguées contre l’arrogance et la licence des nobles. Il garda un moment le silence avant de répliquer à Rienzi.

« Mais, finit-il par demander, seraient-ce seulement les plébéiens qui se soulèveraient ? Tu sais combien il faut peu compter sur leur courage et leur constance.

— Monseigneur, reprit Rienzi, juge par un seul fait si je suis vraiment entouré d’amis d’une classe peu ordinaire ; tu sais comme je parle haut contre les nobles, je les cite par leurs noms, je défie les Savelli, les Orsini, les Colonna à la portée de leurs oreilles. Crois-tu qu’ils me pardonnent ? Crois-tu que si je n’avais que les plébéiens pour sauvegarde et pour partisans, ces nobles ne viendraient pas m’enlever de force ; que je n’aurais pas depuis longtemps trouvé, dans leurs cachots, un bâillon ou l’éternel silence du tombeau ? Remarque, poursuivit-il en lisant sur le visage du vicaire l’effet qu’il avait produit, remarque bien que dans le monde entier une grande révolution commence. Les ténèbres des siècles de barbarie sont percées à jour ; le savoir, qui autrefois a fait de nos pères autant de demi-dieux, sort de l’urne funéraire où on l’avait enseveli ; une puissance plus subtile que la force brutale et plus puissante que les gens d’armes, se met à l’œuvre ; nous avons recommencé à rendre hommage à la royauté de l’esprit. Oui, cette même puissance qui, il y a peu d’années, couronna Pétrarque au Capitole, et inaugura, au bout de douze siècles de silence, les gloires d’un triomphe, qui amoncela sur un homme de naissance obscure et inconnu dans le métier des armes, des honneurs réservés depuis longtemps à des empereurs et à des vainqueurs de rois, qui unit dans un acte d’hommage et de respect jusqu’aux maisons rivales