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RIENZI.

l’attitude de l’orateur, attitude solennelle et imposante, qui, pour le moment, condamnait à un silence de respect et de crainte la raison et la haine elles-mêmes. Rappelés et répétés de sang-froid dans la suite, dépourvus de l’accent que leur avait prêté le tribun, ces mots furent accueillis par le blâme des hommes sensés ; mais ce jour-là tout semblait possible au héros du peuple. Il parlait comme un homme inspiré, et eux, ils tremblaient et croyaient ; lui, ravi du spectacle étalé sous ses yeux, il resta un instant en silence, le bras toujours étendu, ses yeux sombres et fixés sur l’espace, ses lèvres entr’ouvertes, sa fière tête dominant de toute sa hauteur le vulgaire troupeau, allumant du feu de son enthousiasme celui des spectateurs les plus humbles et les plus éloignés ; on entendit seulement un profond murmure répété comme en écho par la foule : « Le Seigneur protége l’Italie et Rienzi ! »

Le tribun se retourna ; il vit le vicaire du pape étonné, abasourdi, se levant pour parler. Sa raison et sa prévoyance lui revinrent tout d’un trait, et, résolu d’étouffer le dangereux désaveu que l’autorité papale, par la bouche de Raymond, allait infliger à ce trait d’audace, il fit promptement signe aux musiciens de recommencer leurs fanfares, et les chants solennels et sonores de la sainte cérémonie prévinrent la réplique de l’évêque.

La cérémonie terminée, Rienzi toucha l’évêque en lui murmurant tout bas ces mots :

« Nous vous expliquerons cela à votre satisfaction. Vous dînez avec nous au Latran ; votre bras. » Et il ne quitta point le bras du bon évêque ; il ne le laissa en aucune autre compagnie, jusqu’à ce qu’au son orageux des cors, des trompettes, des tambours et des cymbales, et au milieu d’un aussi grand concours de peuple que celui qui avait peut-être salué sur la même place le baptême traditionnel de Constantin, le tribun et ses nobles fussent