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RIENZI.

cendait alors à corps perdu la rue longue et étroite qui menait au sombre quartier occupé par les Orsini.

« Ah ! mon seigneur ! s’écrièrent tout d’une haleine deux ou trois citoyens. Vous nous ferez droit ! — Vous nous ferez rendre justice ! — Vous êtes un Colonna !

— Ha ! ha ! ha ! dit d’un rire dédaigneux un homme d’une stature gigantesque, secouant en l’air un énorme marteau qui indiquait son métier. Justice et Colonna ! Corbleu ! Voilà des noms qu’on ne trouve pas souvent ensemble !

— À bas ! à bas ! c’est un orsiniste ! À bas ! s’écrièrent au moins dix voix de cette multitude, mais pas une main ne se leva contre le géant.

— Il dit vrai ! fit une seconde voix, et d’un ton ferme.

— Oui, il dit vrai ! ajouta un troisième, fronçant le sourcil et dégainant son couteau, et nous sommes de son avis. Les Orsini sont des tyrans et les Colonna, quoi qu’on dise, ne valent pas mieux !

— Tu mens par la gorge, coquin ! s’écria le jeune noble, se frayant passage dans la cohue pour se poser en face du dernier diffamateur des Colonna. »

Devant l’œil enflammé et le geste menaçant du jeune cavalier, le digne émeutier recula de quelques pas, de manière à laisser le champ libre entre la formidable stature du forgeron et la petite et mince, mais vigoureuse figure du jeune noble.

Instruits dès leur naissance à mépriser le courage plébéien, même en se souciant fort peu de la renommée de leur propre courage, les patriciens de Rome étaient assez habitués au rude contact de ces bagarres, et il n’était pas rare que la seule présence d’un noble suffît pour disperser des multitudes entières, qui, un moment avant, ne respiraient que vengeance contre son ordre et sa maison.

Aussi, levant la main vers le forgeron, et sans tenir compte de l’arme qu’il brandissait ou de son imposante