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RIENZI.

taisie, qu’il regarde aux sangles de son cheval. Je ne veux point contrarier son idée. »

Montréal, qui avait insisté pour ce spectacle, peut-être par cet esprit de bravade, joyeux et batailleur, commun encore à ses vaillants compatriotes ; peut-être parce qu’il était curieux de faire parade, devant des gens destinés à devenir bientôt ses ennemis déclarés, de son adresse singulière et sans égale dans le métier des armes, en fut bien plus avide encore en apprenant le nom du chef de l’escadron romain ; car son âme vaine et fière, bien qu’elle eût à cette époque déguisé son ressentiment, n’avait jamais oublié certains mots un peu vifs lancés par Adrien dans le palais d’Étienne Colonna et dans ce malheureux voyage à Corneto. Adrien, faisant halte à l’entrée du défilé, se fit aider par ses écuyers pour endosser, avec une indignation qui n’excluait pas la prudence et le soin, le reste de son armure ; il regarda lui-même aux sangles, aux étriers et à toutes les boucles du caparaçon de son noble palefroi. En même temps Montréal, enchanté, embrassait sa belle, trop douce pour s’irriter, mais profondément contrariée (encore sa contrariété était-elle oubliée à demi dans ses craintes pour la sûreté de son bien-aimé), lui enlevait son écharpe bleue pour la jeter sur sa cuirasse, et achevait de s’équiper avec l’indifférence d’un homme certain de la victoire. Cependant il avait à subir un désavantage, et le plus grand : son armure et sa lance avaient bien été apportées du château, mais il n’avait pas son cheval de bataille. Son coursier n’était pas assez robuste pour supporter le poids de son armure, et des chevaux de son escorte pas un ne pouvait, comme force et comme encolure, être comparé à celui d’Adrien. Il choisit néanmoins le plus vigoureux qui se trouvât sous sa main, et une bruyante acclamation de ses farouches serviteurs témoigna de leur admiration, lorsque, sans aide aucune, il s’élança du sol et d’un saut se mit en