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RIENZI.

semblée, dans la personne du citoyen, un type, un emblème de l’état de Rome sur lequel il allait discourir.

« Ma foi ! murmura un vieux noble à son voisin, le plébéien a bonne mine là-dessous.

— Ce sera un divertissement rare, dit un second ; j’espère bien que le bonhomme glissera quelques plaisanteries dans son discours.

— Qu’est-ce que c’est que toutes ces parades-là ? fit un troisième.

— Il est certainement toqué ! dit un quatrième.

— Qu’il est beau garçon ! disaient les femmes mêlées dans la foule.

— C’est un homme qui connaît le peuple sur le bout de son doigt, dit Montréal à Adrien, il sait qu’il faut parler aux yeux pour gagner les esprits ; un maître drôle, un habile coquin. »

Rienzi venait de monter sur l’estrade, et lorsqu’il promena sur l’assemblée son regard profond et assuré, le calme élevé et pensif de sa majestueuse physionomie, sa digne et solennelle gravité, imposèrent silence à tous les murmures, et se firent également sentir aux nobles ricaneurs comme à la populace impatiente.

« Seigneurs de Rome, dit-il enfin, et vous, mes amis et concitoyens, vous savez pourquoi nous nous sommes réunis en ce jour ; et vous, monseigneur l’évêque d’Orvieto, et vous, mes compagnons de labeur dans le champ des lettres, vous aussi vous savez qu’il s’agit de quelque chose de relatif à cette antique Rome, dont la puissance et la gloire passées ont eu une aurore et un déclin que nous avons employé notre jeunesse à nous efforcer de comprendre.

« Mais, croyez-moi, il ne s’agit pas ici d’une de ces vaines énigmes d’érudition qui ne profitent qu’aux savants et ne concernent que les morts. Que le passé périsse ! que les ténèbres l’enveloppent ! qu’il dorme pour toujours sur les temples qui tombent en poussière, sur les tombes désertes