Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/152

Cette page a été validée par deux contributeurs.
148
RIENZI.

patrie lorsqu’il fallait commencer par être un traître pour ses amis ; c’est ainsi que :

La crainte de la honte émoussa son courage.

Et celui qui, par caractère, devait être un chef de l’époque, n’en devint que le spectateur. Pourtant Adrien tâcha de se consoler de sa position, présentement passive, en se persuadant de la sagesse de sa conduite. Ce lui qui ne prend aucune part au début de révolutions politiques, peut souvent devenir le médiateur le plus efficace entre les passions et les partis qui se forment dans la suite. Peut-être dans la position où il se trouvait, temporiser était-il le véritable rôle d’un homme d’État prudent ; quelquefois c’est la marche douteuse qu’on adopte d’abord qui plus tard donne une haute autorité. Pur de tout excès, garanti par là même de toute jalousie des factions rivales, il voit tous les hommes tourner vers lui un regard d’estime et de respect pour l’inviter à prendre un rôle nouveau dans ce drame turbulent ; sa modération peut lui gagner la confiance du peuple ; sa haute condition le mettre à même de se présenter comme un médiateur convenable auprès des nobles ; et c’est ainsi que les qualités qui l’auraient fait martyr à une période de la révolution, l’élèveront peut-être, dans une autre, au rang de sauveur.

Ainsi donc, silencieux et passif, Adrien attendit la marche des événements. Si les projets de Rienzi échouaient, c’est par cette inaction qu’il pourrait le mieux préserver les Romains de nouvelles chaînes et sauver leur champion de la mort. S’ils réussissaient, il pourrait également sauver sa famille de la fureur populaire, et, en invoquant la liberté, arrêter le désordre. Telles, au moins, étaient ses espérances ; et c’est ainsi que la sagacité et la prudence italiennes de son caractère réprimè-