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RIENZI.

adresse ordinaires, pour se dégager de leur étreinte ; et ce fut avec peine qu’il finit par gagner la porte basse et étroite à laquelle se tenait un grand domestique, qui admettait ou repoussait les postulants, selon son intérêt ou son caprice.

« Le baron est-il seul ? demanda Adrien.

— Plaît-il ? — Non, monseigneur, un seigneur étranger est avec lui, mais pour vous il va sans dire qu’il est visible.

— Eh bien, vous pouvez m’introduire. Je viens m’informer de sa santé. »

Le domestique ouvrit la porte, à travers laquelle perçait maint regard attentif et jaloux, et remit Adrien à la conduite d’un page qui, plus âgé et plus estimé que les flâneurs de l’antichambre, était l’écuyer particulier du maître du château. Traversant une autre chambre, vide, grande et solitaire, Adrien se trouva dans un petit cabinet, en présence de son parent.

Devant une table garnie de tout ce qu’il faut pour écrire, siégeait le vieux Colonna. Une belle robe de velours et de fourrure se drapait avec aisance sur sa haute et imposante stature ; d’un béguin rond, chaud, confortable et de couleur cramoisie, quelques boucles grises descendaient se mêler à une barbe longue et vénérable. L’extérieur du vieux noble qui depuis longtemps avait dépassé ses quatre-vingts ans, conservait encore les traces de la beauté qui l’avait toujours distingué dans sa jeunesse et son âge mûr. Ses yeux enfoncés dans leurs orbites étaient en revanche vifs et perçants, et étincelaient de tout le feu de la jeunesse ; sa bouche se retroussait en un sourire agréable bien qu’à demi sardonique ; et sa contenance attrayante et imposante dans son ensemble, annonçait la haute naissance, le bel esprit malin et la généreuse bravoure du patricien plutôt que son astuce, son hypocrisie et son esprit d’oppression habituel, superbe et dédaigneux.