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DE POMPÉI

comme il avait coutume de le voir, vêtu d’une robe noire, le front soucieux et austère : une robe qui éblouissait la vue, blanche et tout étincelante de pierreries et d’or, enveloppait sa taille majestueuse ; des roses blanches aussi, et entremêlées d’émeraudes et de rubis, formaient une espèce de tiare qui surmontait ses cheveux noirs. Il semblait, comme Ulysse, avoir obtenu la faveur d’une seconde jeunesse. Ses traits paraissaient avoir échangé la méditation contre la beauté. Il possédait, au milieu de tout le charme dont il était entouré, la douceur suprême et rayonnante du maître de l’Olympe.

« Bois, prends part au banquet, aime, ô mon disciple, dit-il ; ne rougis pas d’être jeune et passionné. Ce que tu es, l’ardeur de ton sang te le dit. Ce que tu seras, ceci te le dira.

» En même temps il montra du doigt une niche. Apœcides, suivant son geste, vit, sur un piédestal placé entre la statue de Bacchus et celle d’Idalie. la forme d’un squelette.

« Ne t’effraye pas, reprit l’Égyptien. Cet hôte ami nous avertit de la brièveté de notre existence. De sa mâchoire je crois entendre sortir une voix qui nous crie : Jouissez ! »

À ces mots, un groupe de nymphes entoura la statue ; elles déposèrent des guirlandes sur le piédestal ; et, pendant que les coupes se vidaient et se remplissaient de nouveau, elles firent entendre ce chant :


HYMNE BACHIQUE A L’IMAGE DE LA MORT.

Te voilà maintenant dans le pâle royaume,
Toi qui jadis buvais, chantais, aimais,
Sur le bord infernal tu glisses, ô fantôme,
Mais ta pensée est à nous pour jamais :
Oui, si la mémoire d’une ombre,
Peut remonter du pays sombre,
Jusqu’à nos cieux dorés, nos plaisirs et nos mets…
Nous couronnons de fleurs la demeure déserte
Où tu régnas, délicieux séjour ;
La rose en tes jardins et la campagne verte
Te souriaient avec un air d’amour.
Pour te réjouir, les cithares
Formaient leurs accords les plus rares,
Aussitôt que la nuit avait chassé le jour.


Ici un nouveau groupe s’avança, et la musique prit un ton plus vif et plus joyeux.


La mort est cette sombre rive.