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LES DERNIERS JOURS

une partie indispensable de laceinture, même lorsque la bourse avait le malheur d’être vide.

Il n’était pas ordinaire aux gais et égoïstes habitants de Pompéi de s’occuper à observer le maintien ou les actions de leurs voisins ; mais la bouche et les yeux de cet homme manifestaient une expression si amère et si dédaigneuse, pendant que la procession religieuse montait les degrés du temple, qu’il ne pouvait manquer d’attirer l’attention de beaucoup de personnes.

« Quel est donc ce cynique ? demanda un marchand à un joaillier son confrère.

— C’est Olynthus, répondit le joaillier. Il passe pour un Nazaréen.»

Le marchand frissonna.

« Secte terrible ! reprit-il d’une voix basse et tremblante. On dit que, lorsqu’ils s’assemblent la nuit, ils commencent toujours leurs cérémonies par le meurtre d’un enfantnouveau-né ; ils professent la communauté des biens ! Que deviendraient les marchands, les joailliers, si de pareilles idées prenaient consistance ?

— Cela est bien vrai, dit le joaillier, d’autant qu’ils ne portent pas de bijoux ; ils poussent des imprécations lorsqu’ils voient un serpent, et tous nos ornements à Pompéi ont la forme du serpent.

— Faites-moi le plaisir de remarquer, ajouta un troisième interlocuteur, qui était fabricant de bronzes, comme ce Nazaréen secoue la tête avec pitié en voyant passer la procession. Il murmure quelque chose contre le temple, celaest sûr. Savez-vous, Célénus, que cet homme, passant devant ma boutique l’autre jour, et me voyant occupé à travailler une statue de Minerve ; me dit, avec un froncement de sourcil, que si elle avait été de marbre, il l’aurait brisée, mais que le bronze était trop dur pour lui ? « Briser une déesse ! m’écriai-je. — Une déesse ! répondit l’athée : c’est un démon, un malin esprit. » Il passa alors son chemin en maudissant les dieux. Cela peut-il se tolérer ? Qu’y a-t-il de surprenant à ce que la terre se soit soulevée la nuit de nière, désireuse sans doute de rejeter l’athée de son sein ? Que dis-je ? un athée… pis que cela : un homme qui méprise les beaux-arts. Malheur à nous autres fabricants de bronzes, si de tels compagnons venaient à donner des lois à la société !

— Ce sont là les mendiants qui ont brûlé Rome sous Néron, » murmura le joaillier.