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A quelque temps de là, la mère du petit Moine vint à mourir, et, comme elle était native de Pontrieux, elle demanda à y être enterrée. Le petit Moine la mit sur son cheval, pour la conduire en ville.

Le grand Moine lui demanda :

— Où allez-vous ainsi avec votre mère ? — Au marché de Pontrieux, répondit-il.

— Au marché de Pontrieux, avec une vieille femme morte !... Et pourquoi faire ?

— Pour la vendre ; l’on m’a assuré que les vieilles femmes mortes se vendent bien, depuis quelque temps.

Et le petit Moine partit avec sa mère, laissant son compagnon livré à ses réflexions sur les vieilles femmes mortes qui se vendaient cher.

Ceci se passait un dimanche soir. Comme les chemins étaient fort mauvais, et que son cheval n’y voyait pas, le petit Moine allait lentement et la nuit le surprit en route, entre le bourg de Trézélan et celui de Brélidy. La lune était claire. Il s’arrêta dans une douve, au bord du chemin, pour allumer sa pipe. En regardant par-dessus le talus, il vit dans un courtil un poirier chargé de belles poires jaunes, et il lui vint une singulière idée, et il se dit :

— Tiens ! je crois qu’il serait possible de gagner ici quelque argent avec ma mère, quoique morte.