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— Ce sera drôle, se dit-il.

Et il se mit à souffler dans son biniou.

Aussitôt voilà tout le monde en branle ; hommes, femmes, jeunes et vieux, les prêtres, les chantres et jusqu’aux écloppés et aux béquillards, tournaient, sautaient, gambadaient et levaient la jambe, à qui mieux. Mais, voici bien une autre affaire : le mort lui-même sort de son cercueil, et, enveloppé de son suaire pour tout vêtement, il se met à se trémousser et à se démener, au milieu des autres, comme un vrai possédé ! Tout le monde en était effrayé, et de tous côtés, on criait à Crampouès :

— Assez ! assez ! Grâce ! grâce !...

Mais Crampouès continuait de souffler dans son biniou, et les danseurs se trémoussaient avec un entrain toujours croissant. Enfin, au bout d’une heure de ce manège, quand il fut fatigué, il cessa de souffler dans son instrument, et l’infernale ronde s’arrêta. Aussitôt, le mort rentra dans son cercueil, et on le porta au cimetière, où on l’enterra promptement et profondément, puis on mit sur lui une lourde pierre, de peur qu’il n’en revînt, car il laissait une très belle succession.

Quand tout fut terminé, le recteur (le curé) s’approcha de Crampouès, et lui dit :

— Quel merveilleux instrument tu as là, mon garçon !