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avait jeté un sort. Vous pouvez juger, d’après tout cela, de la misère qui régnait dans leur chaumière, située au bord de la grève, sous Roc’h-al-laz.

Ab-Grall passait toutes ses journées en mer, et souvent aussi, les nuits. Il n’était jamais pressé de rentrer, car, quand sa femme le voyait revenir, les mains vides, ou à peu près, elle lui faisait fort mauvais accueil. La misère lui avait aigri le caractère. Le malheureux pêcheur ne répondait presque rien aux plaintes et aux injures de Guyona, et il se contentait de gémir sur son mauvais sort.

Un jour du mois de juin, en relevant ses filets, il y trouva un singulier poisson. La partie antérieure de son corps ressemblait au buste d’une femme, et le reste était couvert d’écaillés et se terminait en queue de poisson. Le voilà bien étonné ; jamais il n’avait rien vu de semblable.

— C’est sans doute une Sirène ! se dit-il. C’en était une, en effet, et il n’eut plus aucun doute à ce sujet, quand il l’entendit prendre la parole, dans la langue des hommes, et lui dire :

— Remets-moi dans la mer.

— Pas si sot ! lui répondit-il ; il y a assez longtemps que je fais de mauvaises pêches et que ma femme me rend la vie dure, à cause de cela.