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« Les Morganed et Morganezed[1], me dit Marie Tual, de qui je tiens le conte du Morgan et de la Fille de la terre, étaient autrefois très communs, dans notre île ; aujourd’hui, on les voit encore quelquefois, mais rarement ; on les a trop souvent trompés. On les remarquait, surtout au clair de la lune, jouant et folâtrant sur le sable fin et les goémons du rivage et peignant leurs cheveux blonds avec des peignes d’or et d’ivoire. Le jour, ils faisaient sécher au soleil, sur de beaux linceuls blancs, des trésors de toute sorte : or, perles fines, pierres précieuses et de riches tissus de soie. On jouissait de leur vue, tout le temps qu’on restait sans battre les paupières, mais, au premier battement, tout disparaissait, comme par enchantement, Morganed et trésors. Les Morganed et Morganezed sont de petits hommes et de petites femmes, aux joues roses, aux cheveux blonds et bouclés, aux grands yeux bleus et brillants ; ils sont gentils comme des anges. Malheureusement, ils n’ont pas reçu le baptême, et, pour cette raison, ils ne peuvent aller au ciel, ce qui est bien dommage, tant ils sont gentils et ont l’air bons !

« J’ai entendu dire que la Sainte-Vierge étant un jour seule à la maison et ayant besoin de s’absen-

  1. Morganed est le pluriel masculin de Morgan ; Morganezed est le pluriel féminin de Morganès, en français Morganne.