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— Je viens vous demander la permission de me marier, mon père.

— La permission de te marier ? Ne t’es-tu donc pas marié, hier ?

— Oui, mais ma femme est morte, mon père.

— Ta femme est morte !… Tu l’as donc tuée, malheureux ?

— Non, mon père, c’est vous-même qui l’avez tuée.

— Moi, j’ai tué ta femme ?…

— Oui, mon père : hier soir, n’avez-vous pas abattu d’un coup de sabre la tête de celle qui tenait un cierge allumé, près de mon lit ?

— Oui, la fille de la Terre ?…

— Non, mon père, c’était la jeune Morganès que je venais d’épouser pour vous obéir, et je suis déjà veuf. Si vous ne me croyez pas, il vous est facile de vous en assurer par vous-même, son corps est encore dans ma chambre.

Le vieux Morgan courut à la chambre nuptiale, et connut son erreur. Sa colère en fut grande.

— Qui veux-tu donc avoir pour femme ? demanda-t-il à son fils, quand il fut un peu apaisé.

— La fille de la Terre, mon père.

Il ne répondit pas et s’en alla. Cependant, quelques jours après, comprenant sans doute combien il était déraisonnable de se poser en rival de son fils auprès de la jeune fille, il lui accorda