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Ils partirent ensemble, un beau matin de juin ; mais bientôt, à un carrefour, où se trouvait une vieille croix de pierre, ils convinrent de prendre des routes différentes et de se retrouver au même endroit, dans un an et un jour, pour se faire part réciproquement de leurs aventures.

Suivons d’abord Goulven et son coq.

Après avoir marché longtemps, étant arrivé dans un pays qu’il ne connaissait point, il se trouva un soir, au coucher du soleil, sous les murs d’un vieux château entouré de bois. Il frappa à la grande porte de la cour, et le portier vint lui ouvrir. Il le salua poliment et lui demanda si le maître du château n’avait pas besoin d’un coq.

— Un coq, qu’est ce que cela ? lui dit le portier.

— C’est ce joli animal que voici.

Et il le lui fit voir, en passant la main sur son beau plumage rouge.

— Il est bien joli, en effet, mais à quoi sert-il aussi ?

— Eh bien, il annonce, tous les matins, le lever du soleil et la venue du jour, et ne se trompe jamais.

— Si cela est vrai, cet animal serait bien utile à monseigneur qui se plaint toujours de ne savoir jamais l’heure qu’il est. Le château est entouré de bois si hauts et si touffus qu’ils interceptent entièrement les rayons du soleil, et nous ne savons jamais bien, ici, à quelle heure du jour l’on est, et cela est fort incommode. Suivez-moi, et je vais vous conduire à monseigneur.

Et il conduisit Goulven à une grande salle du rez-de-chaussée, où le seigneur et sa dame se chauffaient devant un grand feu, Assis chacun dans un fauteuil, aux deux côtés d’un vaste foyer, et écoutant un vieillard qui leur contait des contes et chantait des chansons, pour les divertir.

— Quoi de nouveau, portier ? demanda le seigneur, en les voyant entrer.

— Voici un homme, monseigneur, qui vient de loin vous proposer de lui acheter le précieux animal que vous lui voyez sur le bras.

― Comment s’appelle donc cet animal, et qu’a-t-il de si extraordinaire ?

— Il s’appelle coq, et, tous les jours, il annonce, sans jamais se tromper, le lever du soleil et la venue du jour.

— Est-ce bien vrai ? demanda le seigneur à Goulven. Parfaitement vrai, monseigneur.

— Eh bien ! Voilà ce que je cherche depuis longtemps ; nous ne savons jamais, ici, à quel point du jour ou de la nuit nous en sommes. Combien veux-tu de ton coq ? N’est-ce pas coq que tu l’appelles ?

— Oui, monseigneur, coq ; j’en veux cent écus.

— C’est entendu, tu auras cent écus, mais à la condition que l’animal nous annoncera exactement l’arrivée du jour, comme tu l’as promis. Tu resteras ici huit jours, et après, si je suis content, je te donnerai les cent écus, et tu pourras partir.

Le coq fit son devoir, à la satisfaction de tout le monde, annon-