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Et là-dessus, le brigand s’en retourna pensif et le cœur ému de compassion, ce qui l’étonnait. Et son père s’engagea sous la voûte sombre.

Il marcha longtemps, tenant à la main sa baguette Blanche, qui luisait dans l’ombre et éclairait sa marche, et arriva enfin à la vallée où se trouvait le château. Il frappa à la porte de fer.

Le guichet s’ouvrit et une figure hideuse et cornue s’y montra et demanda

— Qui est là ?

— Mao Kergarec, répondit-il.

— Mao Kergarec ! Oui, votre siège est là, qui vous attend, à côté de celui de votre fils le brigand ; mais nous ne vous attendions que demain.

— Allez dire à votre maître que je suis là et que je demande à lui parler.

Et on alla prévenir Satan qui vint aussitôt.

— Comment, l’ami Mao Kergarec, c’est toi déjà ? Je ne t’attendais que pour demain ; mais puisque te voilà, entre et sois le bienvenu.

Et le portier ouvrit la porte, et Mao entra.

— Placez-le sur son siège, dit alors Satan,

Et quatre diables horribles s’avancèrent vers Mao pour le porter sur son siège. Mais il lui suffit de les toucher de sa baguette blanche pour les faire reculer en poussant des cris épouvantables. Quatre autres se présentèrent pour les remplacer, sur l’ordre de Satan, et dès qu’ils furent touchés de la baguette ils reculèrent aussi, en se tordant dans des convulsions horribles.

— Qu’est-ce à dire ? s’écria Satan, et il s’avança furieux, pour poser sa griffe sur Mao. Mais, touché par la baguette, il recula comme les autres, en écumant de rage.

— Dehors, cria-t-on de tous côtés, dehors ! l’homme venu avant son heure, et qui a sur lui quelque relique sainte !…

Mais personne n’osait plus approcher de lui, et, impassible au milieu des cris et des imprécations, il dit :

— Je ne m’en irai, Satan, que lorsque tu m’auras remis le parchemin signé de mon sang !

— Tu ne l’auras pas ! Va-t’en vite et, demain, tu reviendras pour rester toujours.

— Il me faut le parchemin, te dis-je, ou il t’en cuira.

— Tu ne l’auras pas : va-t’en, chien !

Et Mao, de sa baguette blanche, cingla Satan et son entourage, tant et si bien, qu’ils criaient.

— Grâce ! grâce ! qu’on lui rende son parchemin et qu’il s’en aille au plus vite !

Satan lui jeta le contrat en s’écriant

— Tiens, le voilà ton parchemin, et pars vite à présent… Mais tu nous reviendras bientôt, et je me vengerai.

Mao prit le parchemin, le mit dans sa poche, et allait sortir, quand il se rappela la recommandation de son fils le brigand, de demander à voir la place qui lui était réservée dans l’enfer.

— Avant que je m’en aille, dit-il, je veux que vous me fassiez

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