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gne s’intéresser encore à vous et vous fournir les moyens de vous sauver des griffes de Satan. Mais, il vous faut armer de courage et affronter de grands dangers.

— Nul danger ne sera au-dessus de mon courage, mon fils. Voici ce que vous devez faire, mon père ; il vous faudra aller vivant en enfer, pour arracher des mains de Satan le fatal contrat signé de votre sang, et cela avant l’expiration du terme qui aura lieu dans trois jours.

— Aller dans l’enfer !… Mais personne n’en est jamais revenu !… et pourtant j’ai pleine confiance en Jésus, puisque c’est lui-même qui ne parle par votre bouche, et je tenterai l’épreuve

— Voici une baguette blanche que mon bon ange m’a rapporté du ciel pour vous remettre, et qui vous rendra l’entreprise possible ; avec elle, vous tiendrez les démons en respect et pourrez forcer Satan à vous remettre le contrat.

— Mais, comment aller en enfer, avant d’être mort ? Qui m’indiquera le chemin ?

— Si quelqu’un le connaît sur la terre, ce doit être mon jeune frère, le chef des brigands, je le crois déjà fort avancé sur ce chemin. Il faudra donc aller trouver dans la forêt ou il demeure avec sa bande. Je vais vous écrire une lettre que vous lui donnerez et qui le mettra au courant de votre situation.

Et l’ermite écrivit une lettre, la remit à son père, le bénit, et le vieillard se mit en route.

Il arriva à la nuit tombante, sur la lisière du bois où se trouvaient les brigands. Deux hommes s’élancèrent d’un buisson, lui mirent la main au collet et crièrent, en appuyant leurs pistolets sur sa poitrine :

— La bourse ou la vie !…

Il leur montra sa lettre et demanda à être conduit devant leur chef. Ils le firent entrer dans le bois et le conduisirent à leur repaire. Il remit sa lettre au chef, qui ne le reconnut qu’après l’avoir lue.

— Comment, c’est vous, mon pauvre père ? Et dans quelle situation ! lui dit-il en s’attendrissant et en s’apitoyant sur le sort du vieillard. Je vois bien que le temps presse, et je vais vous mettre moi-même sur le bon chemin pour vous rendre à votre destination.

Et il le conduisit à l’ouverture d’une caverne, au fond du bois, et lui dit :

— Voilà ! Vous n’avez qu’à entrer dans cette caverne, à marcher tout droit devant vous, malgré l’obscurité, et vous arriverez dans une plaine vous verrez un vieux château, tout noir, et entouré de hautes murailles. Vous frapperez à la porte de fer de ce château, et on vous ouvrira. Et puisque vous y allez avant moi, — car je dois aller aussi un jour, — demandez donc à voir la place qui m’est réservée dans ce séjour, et, si vous en revenez — ce qui me paraît douteux, — vous m’en donnerez des nouvelles

au retour.

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