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Il ouvrit devant elle le coffre de chène, et elle resta tout ébahie, à la vue de belles pièces d’or qui s’y trouvaient.

— Jésus, mon Dieu ! s’écria-t-elle, d’où vient tout cet or ?

— Ne t’en inquiète pas, répondit Mao, je sais bien d’où il vient, et c’est mon affaire…

Et tous les matins ensuite, il compta mille écus en or dans son coffre, si bien qu’il devint riche en peu de temps, paya son seigneur, acheta son château et y alla demeurer avec sa famille.

Personne ne comprenait rien à une fortune si rapidement faite, et l’on ne pouvait s’en rendre compte que par la découverte d’un trésor.

Quelques-uns pourtant parlaient tout bas de magie et de sorcellerie ; mais on eut beau l’observer, ne vit pas qu’il hantât le sabbat et les sorciers : on n’y comprenait rien enfin.

Mao éleva bien ses sept fils et les envoya aux meilleures écoles où ils obtenaient de brillants succès.

L’un d’eux devint archevêque.

Un autre évêque,

Le troisième, vicaire général

Le quatrième était recteur de sa paroisse.

Le cinquième, vicaire.

Un autre était ermite dans un bois.

Et le septième, le plus jeune, s’était fait chef de brigands, détroussant les voyageurs sur les grands chemins, pillant les châteaux, et les couvents, et terrorisant tout le pays avec sa bande C’était la désolation de son père, de sa mère et de ses frères.

Cependant le terme fatal approchait, et Mao Kergarec devenait de jour en jour plus triste et plus soucieux.

Mais ses enfants, à l’exception d’un seul, étaient de si saints personnages, qu’il comptait sur eux pour le tirer du mauvais cas où il s’était mis.

Il alla se confesser à celui qui était recteur de sa paroisse, et il lui conta tout. Le prêtre frémit d’épouvante à une révélation si inattendue, dit qu’il n’avait pas de pouvoir suffisant pour un cas si grave, et renvoya son père à son frère l’évêque. Celui-ci fit la même réponse et le renvoya à l’archevêque, lequel le renvoya à l’ermite dans la forêt.

L’ermite était un saint homme qui passait sa vie à prier et à se mortifier, et n’avait d’autre société que celle des animaux du bois, avec lesquels il vivait dans les meilleurs rapports, et ils se rendaient des services réciproques.

Tous les jours son ange gardien venait le visiter et causer avec lui familièrement.

Mao trouva l’ermite qui priait, sur le seuil de sa porte, les yeux levés au ciel. Il attendit qu’il eût terminé sa prière, puis il lui remit une lettre de son fils l’évêque qui lui expliquait le cas désespéré de leur père. L’ermite lut la lettre et, les larmes aux yeux, il dit :

— Hélas ! mon père, le cas est tellement grave que je n’y ai au-

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