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— Je vous répète que je n’en veux ni argent ni or.

— Que voulez-vous donc ? Dites promptement.

— Je veux seulement que la Princesse me permette de baiser son pied gauche.

— Ne plaisantez pas, je vous prie, et dites-moi votre prix. Je ne plaisante pas, et je vous prie de rapporter ma réponse à votre matîresse.

La femme de chambre retourna auprès de la Princesse et lui fit connaître la réponse du marchand.

— Quelle singulière fantaisie ! répondit-elle.

— Dites à cet homme, répondit le roi, de venir au château après la cérémonie, et l’on s’arrangera avec lui.

— Non, dit la Princesse, je n’entrerai pas dans l’église avant qu’on m’ait livré le mouchoir.

Et, comme elle s’obstinait, malgré les instances de son père, de sa mère et de son fiancé, la cérémonie fut remise au lendemain et le cortège rentra au château. Le marchand fut alors in-Produit dans la chambre de la Princesse, qui lui donna son pied gauche à baiser, en échange du mouchoir de la couleur des étoiles.

Puis on se mit à table, dans un banquet magnifique, et l’on mangea et but gaîment.

Le lendemain matin, vers dix heures, le cortège se mit de nouveau en marche pour se rendre à l’église. Le marchand se tenait encore sur son passage, près du porche, étalant un autre mouchoir, celui de la couleur de la lune. Quand la Princesse le vit-elle voulut encore l’avoir, et elle envoya sa chambrière pour l’acheter, et le même colloque que la veille s’engagea entre eux. Le marchand demandait, cette fois, à baiser le pied droit de la Princesse, et il n’en démordait pas. L’on rentra donc encore au château, sans avoir été à l’église, et la cérémonie fut encore renvoyée au lendemain. Le marchand fut de nouveau introduit dans la chambre de la Princesse, il baisa son pied droit et lui livra le mouchoir de la couleur de la lune. Puis, on se mit à table et l’on mangea, l’on but, l’on rit et chanta et conta des histoires plaisantes, jusqu’à la nuit.

Le lendemain matin, le cortège prit le chemin de l’église pour la troisième fois. Le marchand était encore à son poste, étalant, cette fois, le mouchoir de la couleur du soleil, qui était si brillant, si lumineux, qu’il éblouissait les yeux, comme le soleil lui-même. La Princesse dit encore qu’il lui fallait ce mouchoir, avant d’entrer dans l’église, et elle envoya de nouveau sa chambrière vers le marchand. Elle rapporta cette réponse, que l’homme au mouchoir demandait, cette fois, à baiser la main de la Princesse.

La cérémonie fut remise au lendemain, pour la troisième fois, et l’on rentra encore au château. Le vieux roi était mécontent et disait qu’il était temps que cela finît. Le marchand fat encore introduit dans la chambre de la Princesse, baisa sa main, après quoi l’on se mit encore à table. Mais, cette fois, la Princesse retint Ewen et voulut qu’il prît part au festin avec les autres convives.

Vers la fin du repas, comme tout le monde était gai et qu’on

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