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Celui qui donne volontiers
À des amis en tous quartiers :
Mais celui qui jamais ne donne
Ne peut-être aimé de personne.

Partout où il passait, il donnait généreusement, et il était le bienvenu et recevait maints bons conseils.

Marche aujourd’hui, marche demain,
Il fait ainsi bien du chemin.

Il va, il va, au hasard et sans direction, mais plein de courage et ferme dans sa résolution. Il arrive enfin à une longue avenue de vieux chênes, au milieu d’une forêt, et demanda à un vieillard qu’il trouve à l’entrée de l’avenue :

— Où conduit cette avenue, grand-père ?

— Il y a près de cent ans, répondit le vieillard, que j’habite ici, et je ne suis jamais allé jusqu’à l’autre extrémité de l’avenue, et je ne puis vous dire où elle conduit ; tout ce que j’en sais, c’est qu’elle est très longue.

— Quelque longue qu’elle puisse être, répondit Ewen, elle doit avoir une fin et conduire quelque part, et c’est ce que je veux savoir.

Et il s’engagea résolument dans l’avenue.

Il marche, il marche et entend des deux côtés les cris et les rugissements et les hurlements de toutes sortes de bêtes fauves.

— Je ne sortirai sans doute jamais en vie de cette avenue, pensait-il.

Mais il continue de marcher, et, au bout de deux jours et deux nuits, il arriva enfin à l’extrémité de l’avenue. Là se trouvait non un château, comme il s’y attendait, mais une misérable hutte de branchages et de mottes de terre. Il y entra et y trouva un vieil ermite à longue barbe blanche.

— Bonjour, père ermite, lui dit-il.

— Bonjour, mon fils, répondit le vieillard, en quoi puis-je vous être utile ?

— Je cherche le château de la Princesse du Soleil, mon père, et, si vous pouviez m’indiquer le bon chemin pour y arriver, vous me rendriez un grand service.

— Voici cinquante ans que je vis ici, dans la solitude, n’ayant d’autre société que celle des loups et autres animaux de la forêt, et jamais, jusqu’aujourd’hui, je n’avais reçu la visite d’un être humain. J’ignore où se trouve le château de la Princesse du Soleil, mais je suis maître sur tous les animaux de la forêt, dont quelques-uns voyagent souvent au loin. Je vais appeler les loups ; peut-être pourront-ils nous dire où est le château de la Princesse du Soleil. Et il prit sa trompe, monta sur un rocher élevé, et sonna en se tournant vers les quatre points cardinaux, et les loups d’accourir aussitôt de tous les côtés. Il y en avait de toutes les dimensions et de tout âge. Quelques-uns étaient si vieux qu’ils en étaient tout blancs. Quand ils furent tous arrivés, l’ermite leur dit :

— Je vous ai appelés pour vous demander si quelqu’un de vous

sait où se trouve le château de la Princesse du Soleil ?

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