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— Un peu d’eau, s’il vous plaît, grand’mère, dit saint Pierre.

— Oui, sûrement, j’ai de l’eau, de bonne eau ; mais je n’ai guère autre chose aussi. Elle versa une écuellée d’eau de son pichet, et ils en burent tous les trois. Puis ils s’approchèrent pour regarder l’enfant qui tétait la chèvre.

— Cet enfant n’est pas à vous, grand’mère ? dit notre Sauveur.

— Non, sûrement ; et pourtant c’est tout comme s’il était à moi. Le cher petit est à ma fille ; mais sa mère est morte en le mettant au monde, et il m’est resté sur les bras.

— Et son père ?

— Son père vit, et il va tous les jours, de bon matin, travailler à la journée à une maison riche qui est dans le voisinage. Il gagne huit sous par jour, et nourri, et c’est tout ce que nous avons pour vivre tous les trois.

— Et si vous aviez une vache ? dit notre Sauveur.

— Oh ! si nous avions une vache, alors nous serions heureux. J’irais la faire paître par les chemins, et nous aurions du lait et du beurre pour vendre au marché. Mais je n’aurai jamais une vache.

— C’est bien. Donnez-moi un peu votre bâton, grand’mère.

Notre Sauveur prit le bâton de la vieille femme, et en frappa un coup sur la pierre du foyer ; et aussitôt il en sortit une vache mouchetée, fort belle et dont les mamelles étaient gonflées de lait.