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et de danser, comme une affolée. Si bien que le seigneur resta à la regarder, la bouche ouverte.

— Donne-moi ton violon, — dit-il au meunier, — et je te laisserai le moulin, pendant deux ans, pour rien.

Voilà le marché fait, Et le Seigneur de courir à la maison, emportant son violon, et bien content. — Ma femme, se disait-il à lui-même, en allant, est un peu vieille, et si je peux la rajeunir !…

En arrivant à la maison, il trouva sa femme au lit, bien endormie.

— C’est bon ! se dit-il, — comme cela elle ne saura rien.

Il prend un couteau à la cuisine, et coupe le cou à sa femme. Et puis, le voilà de jouer de son violon ! mais il avait beau en jouer, la pauvre femme ne dansait ni ne bougeait ; elle était bien morte ! —

— Quel sot homme que ce meunier ! se disait-il ; me faire tuer ma femme, et à présent, j’ai beau jouer du violon, la vie ne revient pas en elle ! Il faut qu’il ait oublié de me dire quelque chose. Je vais, vite, l’entendre de lui.

Il courut au moulin. Quand il y arriva, il vit le meunier en bras de chemise, tenant un fouet à la main et fouettant une grande marmite qui était au milieu de la cour et dans laquelle l’eau bouillait. (On venait de l’ôter du feu). Il resta à regarder le meunier, la bouche ouverte, et ne songeant plus à sa femme.

— Que fais-tu donc là, de la sorte, meunier ?

— Je fais bouillir le bouillon, monseigneur ; ve-