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sorte d’émanation du pays où il est né, il me semble retrouver en son œuvre admirable le paysage normand. Ici, pas de grandes forêts mystérieuses et obscures, pas de montagnes inaccessibles, de rochers pittoresquement romantiques, et le ciel n’a pas les éblouissements du Midi. Pourtant, lorsque, fût-ce entre les nuages, un coup de lumière jaillit et court sur cette terre, que de force, que de grâce se montrent en elle, sous la caresse du soleil !... Telle est l’œuvre de Maupassant ; forte sans effort, plaisante sans afféterie, faite de finesse, parfois d’ironie ; mais où courut aussi ce rayon de soleil, ce coup de lumière qui éclaire et qui réchauffe, et qui est l’émotion de l’artiste devant les joies et les douleurs humaines ! C’est ceci que j’ai voulu surtout dire de Maupassant, dans ce jour d’apothéose, et que, ayant peut-être souffert de la vie et plus qu’on ne pense - même avant d’avoir été frappé du coup qui le terrassa lentement et le fit mort avant la mort - il ne la dépeignit pas d’un cœur insensible à toute humaine douleur. Et il me plaît d’assurer que le grand écrivain admiré, et que l’ami regretté à qui, en ce jour de fête triomphale, j’apporte l’hommage des lettrés, ne diffère des autres hommes que par l’art qui fut en lui, art supérieur et exquis de dépeindre la vie aussi bien, mieux parfois, que ses plus grands peintres, la vie où la joie se mêle aux tristesses, comme dans nos cœurs aujourd’hui, devant ce monument qui dit nos regrets et qui dit sa gloire ! »

— M. Henri Fouquier n’est pas seulement un lettré, c’est également un orateur ; aussi son discours, si bien dit et si superbement écrit, produit-il grande