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tériel ne peut s’empêcher de sourire à l’évocation de ces folies. Il me trace un portrait qui concorde absolument avec les indications que Mme de Maupassant m’avait données :

« Ceux qui n’ont connu Guy que sur la fin de sa vie n’ont aucune idée du fond de son caractère et de son tempérament. Son humeur s’était assombrie. Il s’était laissé prendre par le monde où il ne goûtait point d’amusement véritable, mais dont les hommages lui étaient sensibles. De 1871 à 1880, c’était le plus joyeux et le meilleur garçon. Il avait l’insouciance et la turbulence d’un enfant : il aimait les grosses farces, les exercices violents où se déploie la force physique. Avec lui on n’avait pas la sensation de l’homme de lettres qui ne vit que par les nerfs et le cerveau. Du moins n’ai-je eu cette impression que beaucoup plus tard quand il commença d’être célèbre ».

M. Fontaine m’a cité une infinité de traits qui complètent la physionomie de l’auteur de Bel-Ami, comme il est permis de le concevoir à cette époque. Il haïssait les discussions d’esthétique et sauf sur la poésie où il s’étendait plus volontiers, jamais on ne surprenait chez Maupassant ces accès de nervosité par où se manifeste le tourment du romancier en quête de développements ou d’idées. Cependant un travail intérieur se faisait en lui, mais on eût dit qu’il s’accomplissait à son insu, comme par la sourde poussée d’un instinct obscur. Il avait conservé une sorte de sauvagerie qu’il tenait peut-être de son éducation première et de la libre existence qu’il avait menée parmi les pêcheurs d’Étretat. Il adorait la