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Notre amitié datait de notre jeunesse, du temps du lycée de Rouen. Plus tard, nous devions nous retrouver à Paris, et dans sa jolie nouvelle Mouche, publiée dans le volume portant le titre L’Inutile beauté, en 1890, Maupassant a raconté un épisode de nos relations d’alors en une intimité qu’il définit ainsi lui-même : « Quelle vie gaie avec les camarades, une bande, aujourd’hui des hommes graves ». Devenu un homme grave, j’ai gardé néanmoins le meilleur souvenir de ce temps heureux où, dans la bande, je portais le surnom de La Tôque, quand Guy de Maupassant répondait à celui de Joseph Prunier[1].

C’était l’époque où il faisait, en des études sévèrement dirigées par Flaubert, cette longue préparation à sa carrière d’homme de lettres, qui lui a permis, dès sa première publication, Boule de suif, de montrer un talent déjà mûr et bien maître de lui.

Il composait alors ses poésies, réunies plus tard dans son volume Des Vers, mais il travaillait surtout en vue du théâtre. Ce genre l’attirait, et nous préludions tous les deux à nos travaux dramatiques en nous exerçant à jouer la comédie à Étretat, dans la villa des Verguies, que Mme de Maupassant, sa mère, savait rendre si agréablement hospitalière.

« Il faudrait que les pièces - m’écrivait-il un jour d’Étretat - fussent à trois, quatre ou cinq personnages, pas plus, et farces autant que possible ».

  1. Ce passage de la lettre de M. Pinchon offre un grand intérêt à nos lecteurs en leur révélant le pseudonyme de Guy de Maupassant, Joseph Prunier, sous lequel il publia en 1875 sa première nouvelle. [A. L.].