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« — Allons, clampin, avance à l’ordre et exécute mes prescriptions. Demain matin, tu marcheras dans la rue jusqu’à ce que tu aperçoives un concierge s’appliquant à balayer le trottoir devant sa maison. Alors tu t’arrêteras, tu contempleras ce spectacle,

    connaît plus ; et, après le service qu’elle vient de rendre, moins que jamais : fi ! fi !

    « Racontée avec tact et discrétion, et sans appuyer, comme l’esprit de Maupassant lui permet de le faire, cette histoire scabreuse est amusante. La moralité de cette immoralité se ramène à peu près au proverbe italien : Passato il pericolo, gabbato il santo, passé le péril on se moque du saint ; si, toutefois, il peut s’établir une comparaison entre un saint et Boule-de-Suif.

    « Le malheur, c’est que là où le livre a le droit de glisser, la scène appuie ; c’est aussi qu’elle demande des développements, qui alourdissent cette donnée légère. Il eût fallu, pour mettre en scène Boule-de-Suif, un auteur dramatique aussi adroit que Guy de Maupassant était adroit écrivain. M. Oscar Méténier a sa manière et son public ; mais l’auteur de Lui ! et du Poteau est le dernier auquel j’aurais cru qu’on pût confier le soin de porter cette nouvelle à la scène.

    « D’ailleurs, cette légère nouvelle ne pouvait guère fournir trois actes même courts. La nécessité où l’auteur se trouve de corser sa pièce, ôte alors au récit son charme et sa couleur. Dirai-je qu’on s’ennuie ? Non : on est surpris plutôt. D’ailleurs, l’exécution excellente de la troupe Antoine sauve l’ensemble médiocre par les détails amusants. MM. Dumény, Matrat, Numès, Kemm, Degeorge sont très bons ; Mme Luce Collas tient convenablement le personnage assez difficile de Boule-de-Suif. Bien, Mmes Ellen Andrée, Délia, Mièris, Miller ».