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perbe taille, au tronc hérissé d’épines. C’est le triacanthos, avec les épines duquel on tressa la couronne du Christ. C’est un des premiers transportés à Paris. Maupassant, montant au Calvaire, l’a vu ! Et il a vu, aussi, ce canon jeté au milieu de la pelouse... Il est là depuis le siège de Paris ; on ne l’a plus touché. Maupassant, qui a placé tant d’épisodes de l’Année terrible dans son œuvre, l’a frôlé souvent, dans ses promenades quotidiennes, sans le voir !...

En causant avec le docteur Meuriot, nous voilà sous l’impression du douloureux souvenir de la Princesse de Lamballe, qui n’a certes jamais pu soupçonner que sa demeure serait devenue, un jour, un asile d’aliénés ! Malgré nous, nous rapprochons de la mémoire de Guy de Maupassant celle de la belle Princesse. Les bourreaux qui l’ont saisie brutalement ne lui ont point seulement ôté la vie, mais, morte, ils ont profané sa beauté, mutilé son sexe[1]. Elle était coupable de dévouement à une Reine.

Lui, qui avait, après elle, erré dans cette même maison, promené ses regards du haut du même perron d’où elle avait vu passer Louis XVI ramené à Paris, en de sombres pressentiments, — n’avait-il point, lui aussi, subi une profanation dans sa beauté : l’intelligence ! Et son crime n’était-il point aussi un amour royal : le dévouement à l’Art !

Quoi qu’on en dise, c’est surtout le surmenage qui a tué Maupassant. Je m’en rapporte, sur cela,

  1. Voir les horribles détails dans les livres de Michelet, d’Edmond Biré et de G. Lenôtre.